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Exposition au Musée Fabre de Montpellier de l'un des protagonistes du courant "Support/Surface", Vincent Bioulès
Du mardi au dimanche de 10 heures à 18 heures. De 9,50 à 13 €. Jusqu’au 6 octobre.
Musée Fabre
Un petit article du journal le Monde (copié/collé !)
Arts : Vincent Bioulès, peintre trompeur
Le musée Fabre de Montpellier consacre une grande rétrospective à l’oeuvre de cet artiste inclassable.
Par Philippe Dagen Publié aujourd’hui à 09h19, mis à jour à 09h19
("La Tourette")
Voici une exposition à peine concevable voilà ne serait-ce qu’une décennie : une rétrospective du peintre Vincent Bioulès au Musée Fabre de Montpellier. Pourquoi ? Parce que son œuvre est fortement perturbatrice. Elle l’est pour le regard, car si colorée soit-elle, avec des sujets apparemment simples – paysages, marines, villes, nus et portraits –, elle se révèle, dès que l’œil s’y attarde, parsemée d’étrangetés stylistiques et armée d’une résolution obstinée. Et, seconde raison, parce que Bioulès est l’exemple troublant de l’artiste qui a d’abord participé à une avant-garde historique avant de s’en écarter, ce qui ne signifie pas qu’il l’ait reniée, mais réinterprétée à sa façon singulière. Cette liberté lui a été souvent reprochée : on ne savait pas où le ranger et, donc, le mieux était de le tenir à distance.
Son avant-garde, c’est le groupe Supports/Surfaces, fondé en 1970 et qui lui doit son nom. Il le trouve lors d’une réunion chez Claude Viallat. Bioulès est née en 1938 à Montpellier, Viallat en 1936 à Nîmes. En 1970, ils sont les principales figures méridionales du groupe, qui a sa fraction parisienne, celle de Marc Devade, Jean-Pierre Pincemin ou Louis Cane. Ils ont la trentaine et il leur faut se dégager de l’abstraction française des années 1950, qui se répète, autant que du pop art.
Pour y parvenir, ils se fondent sur une peinture alors mal connue en France, l’abstraction nord-américaine des grands formats saturés : Rothko, Newman, Hofman, Louis, Diebenkorn. Bioulès se mesure à eux frontalement. En 1967, le motif naturel est encore perceptible, marronnier en fleurs, fenêtre. Il cède vite à l’expansion des couleurs. D’abord fluides, contenues par des lignes courbes, celles-ci deviennent de plus en plus stables, jusqu’à de longues compositions de monochromes juxtaposés, scandées parfois par des verticales, celles que Newman appelait ses « zips ». Dans ces années, de 1967 à 1971, il n’y a guère que Daniel Buren qui, selon une évolution comparable, aille dans cette direction.
Lire la critique (2018) : Sélection galerie, Vincent Bioulès à La Forest Divonne
La différence, aujourd’hui évidente, est que
Buren n’a plus changé depuis, jusqu’à des formules de plus en plus décoratives, alors qu’à partir de 1974, la géométrie de Bioulès se met à vibrer. Les droites s’effritent, les monochromes s’émiettent. On dirait son abstraction secouée par un tremblement de terre de plus en plus intense. On le dirait d’autant plus que ce séisme met à jour des architectures, incomplètes et ébréchées d’abord – l’admirable série des « places d’Aix », de 1976-77.
Dès lors tous les motifs redeviennent possibles et, néanmoins, à aucun moment jusqu’à aujourd’hui la peinture de Bioulès ne peut être dite figurative. Ce serait simple et commode. Mais faux. Ici commencent complications et perturbations. Pour énoncer ce point aussi clairement que possible : tout Bioulès contient, inséparables, une affirmation et sa négation. L’affirmation, qu’affichent les titres, est que la toile figure un lieu ou toute autre réalité. La négation est qu’en fait, il ne s’agit que de couleurs posées sur une toile, d’une construction voulue, d’une fiction.
Soit une œuvre apparemment immédiate et d’autant plus trompeuse, Les Platanes, l’hiver, de 2005-2006. Les platanes sont là, leurs ombres, la rue, les façades. Mais les troncs sont des bandes plus ou moins droites, les façades des rectangles et des triangles. Vue de ville ou arrangement de formes ? L’un et l’autre. Dans toute figuration une abstraction repose et, réciproquement, dans toute abstraction, le monde est encore là, sous la surface. L’affirmation – des arbres dans une rue – ne peut être séparée ou délivrée de sa négation – un textile couvert de taches. Sur ce point, Bioulès demeure attaché au principe majeur de Supports/Surfaces : ne pas oublier la définition matérielle de la peinture.
Des lieux qui posent des questions
Peut-être aimerait-il parfois être un poète de la sensation et de l’impression, du côté de Monet et de Bonnard. Mais il est un artiste de la fin du XXe siècle qui ne peut se défaire de la conscience critique que toute œuvre est une fabrication réfléchie et lente et non l’appréhension immédiate de ce que l’on appelle réel. Aussi ses paysages sont-ils parsemés d’abréviations, d’ellipses, d’hypothèses et d’expériences plastiques, ce en quoi il n’est pas sans rapport avec un autre de ses contemporains, David Hockney, né en 1937. Les grands Bioulès tels que La Ponche III, le rêve, de 1980, La Ferme de Méjean II, de 1981-82, ou, récemment, Donnafugata et Un soir, l’étang, de 2016, ne sont pas plus de limpides paysages méditerranéens que ne sont de simples panoramas les vues de Californie ou du Yorkshire composées par Hockney.
Lire la critique (2010) : Les paysages mentaux de Vincent Bioulès
Ce sont certes des vues des lieux qu’ils aiment, mais dans lesquelles ils posent bien des questions. Dessin complet ou pictogrammes stéréotypés ? Perspective s’enfonçant dans une illusion d’espace ou s’écrasant sur le plan ? Couleurs en zones opaques, en touches séparées, en frottis translucides ? Un autre point commun est que leurs mémoires débordent de références avec lesquelles ils jouent librement, effrontément. Les mythes antiques, Piero della Francesca, Paolo Uccello, Poussin, Cézanne, Matisse, Picasso, les cartes postales touristiques, les photos publicitaires, la Nouvelle Vague et, naturellement, les contemporains amis ou ennemis : il faut, comme on dit, faire avec.
On peut reprocher à la dernière salle de l’exposition, celle des grands paysages, d’être trop vaste et heurtée, parce qu’elle réunit des toiles qui ne s’accordent guère entre elles en dépit de la communauté de sujet. Mais, en accentuant ce qu’il y a en elles d’expériences sans cesse recommencées, l’accrochage est conforme au processus de création de Bioulès et à l’exigence qui lui interdit les petits arrangements élégants. On peut être effaré que ses nuages aient la densité et la dureté du calcaire et que la ligne d’horizon soit droite comme un couperet. Mais c’est que Bioulès ne peint pas des paysages, mais les difficultés et les doutes désormais propres à ce genre.
A partir de 1974, la géométrie de Bioulès se met à vibrer. Les droites s’effritent, les monochromes s’émiettent
Il agit de même quand il se saisit d’autres genres bien connus : portrait et nu. Des portraits, Bioulès a dessiné et peint dans les années 80 ceux de modèles ou amies, accrochés dans l’hôtel de Cabrières-Sabatier d’Espeyran, annexe luxueuse du musée. Elles se dressent parmi les beaux meubles anciens, droites et raides, effigies médiévales et actuelles, et ne pas aller les affronter serait une négligence coupable. En 1990, il a peint ceux des membres de Supports/Surfaces, ici à nouveau réunis. Ce sont moins des exercices de ressemblance que des combinatoires d’allusions artistiques, de sous-entendus psychologiques, de pastiches et, sans doute, d’anecdotes que l’on ne connaîtra pas. Alors que les portraitistes – y compris Hockney – décrivent des physionomies, Bioulès esquisse nouvelles ou récits. La raison de son attitude est évidente : la représentation ne peut qu’être incomplète si elle s’en tient à un visage. Il faut y glisser le temps.
Lire la critique (2009) : Bioulès, peintre aventureux du paysage
Quant aux nus, ils sont placés dans le parcours de manière à produire un effet de contradiction maximal, aussitôt après les abstractions. Simples nus féminins, posés par des modèles dont les prénoms font office de titre ? Bien plutôt une suite de variations entre crudité et idéal, figuration et abstraction. Les courbes des corps pliés ou dépliés répondent à celle d’un vieux fauteuil de cuir clouté, et les nuances des carnations se heurtent à des fonds sèchement monochromes. On se souvient de la stupeur provoquée par la révélation de cette série en 1993. Ils dérangent toujours autant près de trente ans plus tard. C’est bon signe.
« Vincent Bioulès. Chemins de traverse », Musée Fabre, 39 boulevard Bonne-Nouvelle, 34000 Montpellier.
Du mardi au dimanche de 10 heures à 18 heures. De 9,50 à 13 €. Jusqu’au 6 octobre.
museefabre.montpellier3m.fr/
Philippe Dagen (Montpellier (Hérault) - envoyé spécial)
"Buren n’a plus changé depuis, jusqu’à des formules de plus en plus décoratives," ptdr!!! pas faux en plus!
je ne suis pas super emballée par son style. On verra à la rentrée si je supporte le déplacement... (j'aurais mieux fait d'aller voir Le Caravage, mais bon, on fait pas tjs ce qu'on veut!!!)
et deux pics:
"Le beau temps sur l'étang"
Le port de Carnon